Phénologie des petits faits cosmiques

Ah que l’homme serait heureux, si venant à résipiscence il s’employait à regarder intensément poindre l’aube du grand réverbère !

 Il sentirait sans doute par devers lui, faisant corps avec tout ce qui l’entoure, qu’il y a là, dans le creux de son âme vigoureuse, une grâce d’enfant pétillante de vie.

Nul doute alors répondant sans hésitation à l’appel des steppes, il chevaucherait – aigle au poing- la grande aventure à son endroit destinée. A la fin du jour, riche du temps écoulé, il soufflerait d’ardentes braises à faire rougir l’horizon dans son foyer crépusculaire.

coucher de soleil à la Rochelle d’Olonne Vendée, le 20 juillet 2020

Qu’y a-t-il donc d’autre à faire, sinon galoper au-devant du Levant, galoper le long des mers, fièrement ?

260424 cavaliers sur la plage de Dragey Manche

Et quelles courses sans fin ont les minuits profonds veillant sur leurs mystères ?  L’amour, par-delà les étoiles, recèle des aurores magnétiques. Serait-cela qui anime, chefs d’œuvres d’arrogance, nos cités humaines ?  Que sa poitrine se soulève, et l’univers en est bouleversé !

Depuis que le monde existe, des cycles dynamiques qu’ils relèvent du vivant ou de rouages physiques, sont à l’œuvre de façon récurrente et organisent la marche du temps.

Bien avant que nos sagas modernes s’en emparent, les penseurs de l’antiquité ont édifié des concepts philosophiques s’appuyant sur cette roue du temps qui semble ne jamais pouvoir s’arrêter.

 Dans la cosmogonie védique, il est question de quatre âges ou yuga, formant, dans leur complétude, un seul cycle recommençant éternellement, le manvantara.

Nous serions dans le dernier, l’âge de fer, celui où plus rien ne va, où tout semble tournoyer sens devant derrière. Il est dit que l’enrichissement personnel prime sur le bien collectif, que l’expression populaire de « l’après-moi le déluge ! » relègue aux oubliettes la dignité qui ferait de l’humain son étoffe première. Il est dit encore, c’est un euphémisme que l’amant trucide la femme pour la faire taire, que l’abbé charismatique ou l’éminent chirurgien, l’un sous sa robe de bure souillée, l’autre sous sa blouse blanche, cachent des confessions d’enfants abusés.

Combien de crimes de forfaiture ont-ils lieu à chaque instant dans ce monde sans foi ni loi, au sein d’institutions couvertes par une morale « au-dessus de tout soupçon » ?

Et que dire des violences faites aux femmes, qu’elles soient afghanes, iraniennes… l’ignominie ne connaissant pas de frontière ?

Ne sont-elles pas nos enfants, nos femmes, nos mères ?

Est-il imaginable qu’un être apparenté au genre humain puisse mutiler, aujourd’hui encore -, l’intime d’une petite fille ?

L’audace du jour se voile à tout jamais quand vagit l’insupportable sur ses lèvres sanguinolentes.

N’y a-t-il rien que nous puissions faire pour les arracher à leurs tortionnaires qui sévissent y compris en Europe ?

Là comme partout ailleurs, nous subissons impuissants l’internationalisation du mensonge d’état à travers ses avatars numériques. Mais de quoi nous plaignons-nous, puisque dans ce monde où l’utilitaire a supplanté le spirituel, penser n’est plus de mise, quand il s’agit uniquement de notre bien !  

Dans le brouhaha des esprits dévoyés, chacun invoque ses certitudes, promet la sentence capitale d’une condamnation sans appel. C’est le temps des supplices, l’apogée vengeresse du mal.

L’être humain est d’une complexité inextricable, mêlant paradoxes et contradictions permanentes. Dans un même corps, l’ange pervers côtoie le démon empathique au point que le premier peut se substituer au second et inversement révélant tantôt sa face lumineuse, tantôt sa face obscure.

Selon la médecine chinoise trop de yang nuirait tout autant qu’un excès de yin ; le déséquilibre se situant au niveau du point de bascule.

Pour survivre dans les camps d’extermination d’Auschwitz Birkenau, qui étaient d’abord des camps de déshumanisation, certains déportés pour « espérer » en réchapper, pour ne pas devenir fou ou peut-être aussi pour ne pas amenuiser plus encore les quelques forces qui leur restaient, s’empêchaient de penser, littéralement de se dé-penser, c’est-à-dire « en se privant de penser », autant qu’il leur fût possible, eux qui étaient privés de tout.

A l’évidence, – les abominations génocidaires sont là pour le prouver-, il n’y a rien de moins humain que l’inhumain transgressif ! Lequel en « parfait pervers » justifie l’ignominie de ses actes en accusant sa victime de tous les maux de la terre. Transposé à l’échelle d’une société sous emprise, le dessein délirant du tyran adoubé s’accomplit parce que, commettant le déni du réel, un peuple fractionné, aux composantes fragmentées, se prête à ses excès d’autoritarisme débridé.  

L’espèce humaine est la seule, ou presque du genre animal, à pouvoir basculer sans vergogne, dans certaines conditions qui requiert un consentement absolu, à ce qui relève de la barbarie. Or, c’est se défausser que de dire qu’un être humain peut devenir tout à coup inhumain ; en réalité l’inhumain, ce qui, en fait, le rend monstrueux, fait intrinsèquement partie de lui-même. Regarder cette part turpide avec honnêteté est, à tout le moins, la condition première pour la maintenir à distance, pour que sa noirceur absolue ne se répande pas insidieusement dans le moindre recoin d’un esprit par trop poreux.

Le seul remède pour que les cellules neuronales ne diluent pas dans un ersatz de conscience est de les plonger à chaque seconde, à chaque respiration dans un bain de sensibilité aiguisée qui « embrasse toute l’existence humaine ». Jiddu Krishnamurti dans ses « lettres aux écoles » nous rappelle que le savoir n’est pas l’intelligence mais que celle-ci peut se servir du savoir. L’intelligence, selon ses mots apparaissant alors naturellement et facilement quand on perçoit toute la nature et la structure de la relation (existant entre tous les êtres). 

Dès lors, dans quelle dérive totalitaire, des gens prompts à suivre le premier venu bardé de promesses empoisonnées, se laissent-ils complaisamment embarqués ? Ne voient-ils pas que les sources saumâtres auxquelles s’abreuvent les incitateurs de haine, assèchent les cœurs aussi sûrement que les incendies par eux-mêmes provoqués, ravagent des plaines entières ?

Dans quelle spirale éperdue, constellée d’intrigues et de trahisons dont l’histoire regorge, nous sommes nous entraînés ?  Sur quelle voie goudronnée nous sommes nous empêtrés ? Honte à ceux qui ont bitumé nos cours d’école, artificialisé les sols plus que nécessaire et dressé des murs au ciel ! Feignant d’oublier que le rôle du maître, qui est censément celui qui dit le vrai, est de percer les secrets de la terre, afin de transmettre à son tour, au plus près des diverses expressions du vivant, l’ample beauté du monde !

Lagurus dits « queues de lièvre », forêt de pins d’Olonne Vendée, le 19 juillet 2020

 Plutôt que d’appeler la population à la « guerre aux choucas ! », ainsi qu’on peut l’apprendre dans un entrefilet inepte de bulletin municipal local, il est urgent de lutter contre l’artificialisation des consciences en fondant l’instruction générale sur des bases scientifiques incontestables, et non sur la peur ignare érigée en rejet absolu des principes mêmes de l’écologie !

Se pourrait-il que nous puissions vivre la ruralité sans sacrifier sa biodiversité, en la réparant partout où elle a été décimée et en reconnaissant aux animaux sauvages le droit d’exister ?

Et que diable, on cesse les battues n’ayant de chasse que le nom, qui ne sont rien d’autre qu’une tuerie organisée, et l’occasion pour certains de ses adeptes d’un exutoire de violence légalisée !

Si d’aventure, une espèce animale envahissante, devait être régulée, cette tâche dûment encadrée par un comité scientifique d’experts, devrait être confiée à la gestion relevant de l’OFB et à nulle autre ; cela éviterait les négligences de plans de chasse aberrants ou d’individus à la gâchette facile, qui conduisent à d’irréparables accidents mortels de promeneurs ou d’habitants sur le lieu même de leur propriété, voire même de chasseurs.

Reconnaissons avec Thoreau que « c’est dans la vie sauvage qu’est la sauvegarde du monde », et sans nul doute la réconciliation avec nous-mêmes !

Quant aux tenants d’un consumérisme effréné, du haut de leur fausse splendeur, ils s’appliquent avec de féroces slogans aux accents libertaristes, à noircir l’outremer des rêves, à rompre le rondeau des sauvages.

 Leur seul but dans cet univers de dupes savamment diligenté : vendre du vent marqué du sceau d’un QR code ; leur seule obsession fallacieuse : enrôler le peuple niais postant sur le miroir numérique toujours plus d’impudiques ego-portraits.

Leur méthode pernicieuse : submerger les esprits vaincus, d’une multitude d’images tantôt violentes, tantôt radoteuses, afin de noyer dans le trop-plein de leur désinformation, le libre-arbitre et sa prétendue capacité à choisir par lui-même.

Au fond des lacs de Chine ou du Canada, à des milliers de kms de toute industrie, une couche de microplastiques signe, en quelques décennies seulement, la marque de l’Anthropocène, augurant sournoisement partout d’une terre pour longtemps souillée…

Au bout du cauchemar, il est à craindre que les cygnes se fussent envolés pour de bon, nous abandonnant hébétés à notre morne sort, au milieu d’un cercle brisé, en multiples morceaux d’écrans éparpillés.

lac d’Enguirande , Lot le 15 décembre 2019

Pourtant, un coin de ciel bleu se démène au milieu des fumées acres s’élevant de l’enfer des camps. Dans le cœur des amants tatoués brille le visage d’un enfant radieux. Il tient dans ses mains décharnées les fils d’un cerf-volant de soie, que rien n’empêche, que nulle prison ne peut embarrer. Sur ses lèvres brûlées par le froid, on croit entendre susurrer la parole rédemptrice – puissions-nous ne jamais l’oublier – : « Joie ! ô joie déliée dans les hauteurs du ciel ! » (Saint John Perse, « le mur » Poésie/Gallimard)

 Cet enfant dont les éclats de rire résonnent au plus profond de notre être, le voilà musicien serviteur, déroulant sur les cordes de son violon souverain une ineffable chaconne, pour sauver le monde, et peut-être pour nous sauver.

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Plus noire semble la nuit, plus l’étoile luit ! L’une se révélant à l’autre, à la mort, à la vie !

 En Finlande, le mésangeai imitateur est, dit-on, un oiseau qui porte chance ; en quoi l’est-il lui dont le nom latin indiquerait plutôt une caractéristique funeste ? Peut-être, parce qu’il est un lanceur d’alerte !  En informant les autres petits oiseaux de la présence d’un prédateur, il les sauverait d’une mort certaine. Il serait en quelque sorte leur bonne étoile. Malheur à celui qui n’aurait pas entendu les vocalises de l’indicateur ! Malheur à nous qui restons désespérément sourds aux coups de semonce du bouleversement climatique !

En d’autres temps, ces cycles dont l’antienne ressassée ne connaît point le remord, que les dignitaires Egyptiens de l’ancien Empire appelaient Rê étaient l’œuvre d’une seule force, d’un seul ordonnateur.

Les hymnes védiques invoquaient eux aussi Savitar « qui donne l’impulsion à l’univers- car, c’est là son office ». L’astre du jour, apparaissait il est vrai comme la plus grande source d’énergie, donnant vie et la reprenant à tout ce qui se meut sur terre. En dépit de notre aveuglement, il demeure le Maître de ballet, entraînant dans sa fougue céleste notre planète au fil des jours, des heures et au rythme des saisons. Il se pourrait bien qu’un jour ses frasques tempétueuses fassent fondre la mémoire du temps, car dans ses pouponnières d’étoiles, le firmament fomente patiemment d’autres créations plus sublimes les unes que les autres. Inaugurant des temps nouveaux, leurs symphonies brilleront de l’éclat de Ré majeur !

Certes, dans son déclin, car tout a une fin, Hélios rendra lui aussi son dernier souffle. Son lustre naguère prestigieux diminuera jusqu’à son ultime exhalaison. Dans un dernier sursaut de lumière, une nouvelle tragédie pourra alors commencer. Des centaines de milliards d’années plus tard, de sombres dictateurs à la folie expansionniste reviendront sous d’autres noms.

A la tête de soldats sacrifiés par cohorte sur l’autel de la démesure, les prédateurs du pouvoir se délasseront aux manettes du guerroiement : quel factuel destin, et quelle récurrence dystopique !

L’impérialisme arrogant frappant aux portes de l’Europe au moment où nous écrivons ces lignes étant, – comme de bien entendu-, pure coïncidence !

Gardons-nous de tout anachronisme, mais comment ne pas voir dans l’actualité brûlante une réplication d’évènements passés particulièrement douloureux qui ont amené, l’hubris se déchaînant, à la destruction d’une grande partie du monde civilisé ?

Se trouvera-t-il encore des yeux émerveillés pour admirer les mirages du ciel, et des oreilles averties pour se délecter d’un merveilleux larghetto mozartien ?

Trente-deux variations et autant d’humeurs remontant des profondeurs océanes, puisées à la source d’une aria céleste et y retournant suffisent à notre bonheur !

Johann Sebastian Bach, Aria mit verschiedenen Veränderungen BWV 988, fin de la variation 14, (BnF, département de la Musique, MS-17669)

Claude Debussy en savait quelque chose lui qui sensible à l’inflexion de la courbe des vagues a composé, – loin du rivage-, une mer sublime et qui disait à l’écoute du mouvement lent du concerto en la mineur de Jean Sébastien Bach, « on ne sait plus où se mettre ».

la Rochelle d’Olonne (Vendée), le 21 juillet 2020

Aurons-nous alors le courage de céder aux envoûtements universels ?  La mécanique du ciel ; regardons-la, s’il est possible avec « l’œil du monde », un des noms de Suryâ, le dieu étincelant. Après que nous l’eussions salué humblement, que l’Aurore, nous conduise à bord de son char à sept chevaux, c’est-à-dire tout au long des sept jours de la semaine…

La lune « miroir du soleil », quant à elle, est dans la représentation hindoue du monde phénoménal, incarnée par Chandra le dieu de la fertilité et de la fécondité. Elle est fortement associée à l’eau, source d’immortalité et de santé.

On imagine d’ailleurs sans peine, de préférence à la pleine lune, les prêtres des temps védiques en train de préparer le soma, le « fameux » breuvage censé conférer l’immortalité, et dansant sur l’air déjà en vogue : « Everybody loves the Sunshine » !

En ces temps supposés bénis des dieux, nul polluant éternel n’abreuvait ses sillons. « La lune naissait toujours nouvelle, signal des jours, elle allait en tête des aurores » (Rig veda, « Le Secret du Véda » traduit par Louis Renou , éditions Gallimard)

 Ses phases et leur enchaînement, sont un phénomène cosmique apparaissant de façon régulière, ayant notoirement une influence sur les marées que tout un chacun peut constater, et qui est probablement ressentie, à des degrés divers, par tout organisme irrigué.

Il en va ainsi de notre satellite comme pour les planètes de notre système solaire soumises au même phénomène de révolution sidérale et pour certaines d’entre elles, chauffées à blanc !

Le monde du vivant n’échappe pas à cette récurrence temporelle pouvant donner une impression illusoire d’immuabilité. Cette apparence de permanence, contredite par l’histoire agitée de la terre* (Ainsi au crétacé paléogène, a eu lieu une extinction de masse provoquée par la collision planétaire d’un astéroïde. Une météorite dévasta en effet, la terre voilà 66 millions d’années. Son impact creusant un cratère de 22 km de diamètre dans la péninsule du Yucatan au Mexique entraîna, partout sur notre planète, la disparition rapide d’un grand nombre d’espèces dont les fameux dinosaures. Lire l’excellent article de Philippe Claeys dans Espèces de septembre 2024), est de facto remise en cause en raison du réchauffement climatique qui perturbe la chronobiologie des espèces végétales et animales, et par voie de conséquence leur comportement jusqu’à remettre en question leur existence même. (Les récifs coralliens, et donc tout un écosystème, pour ne citer qu’un exemple, sont menacés de disparition en raison de l’élévation de la température des océans et de leur acidification, consécutivement au changement climatique.)

Le cycle des saisons, marqué les solstices en climat tempéré, leur enchaînement aussi bien que leur le retour, sont intimement liés au mouvement de révolution de notre planète autour du soleil, et à l’inclinaison de son axe de rotation, et dans une certaine mesure à l’influence du Gulf Stream (cet intense courant océanique activé par des vents tourbillonnants, remonte le long des côtes du continent sud-américain vers le nord, sous l’effet de la rotation terrestre. Il participe à l’adoucissement des températures des côtes d’Europe de l’Ouest.).

Il s’agit donc bien, quand bien même « une hirondelle ne fait pas le printemps », d’un phénomène récurrent qui marque profondément la vie de toutes les espèces vivant notamment dans l’hémisphère nord.

 La phénologie est le terme employé pour désigner le retour de phénomènes naturels se produisant à intervalles réguliers et de manière récurrente, selon une fréquence d’apparition propre.

Littéralement, c’est l’étude de l’apparition -définie comme une occurrence- d’événements périodiques dans le monde du vivant, déterminés par les variations et changements saisonniers dépendant d’un certain nombre de facteurs liés à la température, à la pression atmosphérique, au degré de luminosité, et à celui d’humidité dans le sol,  aux  phases lunaires, tout cela influençant et modifiant selon les espèces,  les réactions biochimiques et les mécanismes physiologiques (production hormonale notamment ) dans les organismes…

Tout ce qui se meut sur terre, dans l’eau ou dans les airs dépend dans son fonctionnement interne de la durée et du degré du rayonnement solaire. Celui-ci en agissant sur l’horloge circadienne, qui régit chacune des cellules des êtres vivants -des bactéries aux animaux-, affecte leur processus métabolique en profondeur, mettant en œuvre les mécanismes du sommeil, de la circulation sanguine, de la digestion, de la croissance etc…  

Ainsi, l’allongement et à contrario la diminution de la durée du binôme jour/nuit contraignent les organismes à s’adapter selon les saisons à de nouvelles conditions de vie.

 Le métabolisme de l’ours polaire à qui la lumière confère sa blancheur, par exemple, et par conséquent ses activités sont tributaires de son rythme circadien. Le chrono-type de cet animal emblématique du Grand Nord varie selon qu’il s’agit du mâle ou de la femelle. Si cette dernière est gestante, elle hivernera dans sa tanière avant qu’elle ne mette bas. Au contraire, le mâle réduira sont temps d’activité en dormant à même la neige pendant plusieurs heures par jour. Il passera le reste de son temps en quête de phoques qu’il traque au bord des trous qu’il a lui-même forés dans la glace.

Celui des rennes ne laisse pas d’étonner ; l’iris de leurs yeux, de couleur marron l’été, devient bleu, pour capter davantage de lumière pendant les longues nuits polaires.

Toutes sortes de stratégies adaptatives aux conditions hivernales sont ainsi à l’œuvre dans le monde animal, chez la plupart des espèces.

Les végétaux ne sont pas en reste ; les arbres en particulier de la Taïga, essentiellement des conifères, produisent comme la grenouille des bois (rana sylvatica, qui vit dans l’extrême nord-américain et au Canada) ou la salamandre terrestre hibernant toutes deux sous terre, une substance antigel propre leur permettant de résister à des températures inférieures à -20°.

La phénologie des petits faits cosmiques commence d’abord à nos pieds, et il suffit d’observer, humer, écouter intensément pour s’apercevoir que le monde se déroule, et se construit à tout instant où que l’on soit, à commencer par là où on habite et où l’on vit. C’est si simple, mais c’est là une grande découverte quand on commence à en prendre conscience !

Ce n’est pas Hubert Reeves qui nous aurait contredit, lui qui a conquis un large public en magicien de poussières d’étoiles, avant d’être l’observateur attentif des scènes florales se renouvelant dans son jardin de Malicorne.  

Il y a, en effet, à notre portée, quantité d’occurrences dans la nature qui sont à l’évidence la marque phénologique d’événements récurrents jalonnant le cycle des saisons.  

La migration des oiseaux est bien connue désormais, celle des chauves-souris, des insectes un peu moins ; l’hibernation de certains animaux, la dormance végétale la reproduction et la nidification des oiseaux, la métamorphose des papillons ; la coloration suivie de la chute des feuilles, le débourrement des bourgeons au printemps, la germination des graines, la floraison… sont autant d’occurrences phénologiques

Ce qui est remarquable, c’est également le fait que ces phénomènes interagissent entre eux au sein des catégories du règne du vivant c’est à dire que l’occurrence d’événements peut influer non seulement le comportement d’espèces n’appartenant pas au même règne, mais également leur processus métabolique.

Par exemple, l’écaille martre (artia caja) au stade adulte apparaît quasiment au moment de la floraison de certaines fleurs qu’elle pollinise (l’eupatoire à feuille de chanvre en est la plus belle illustration). L’inverse serait-t-il aussi vrai ? Peut-on supposer que l’eupatoire (eupatorium cannabinum) a « ajusté » au cours de son évolution le moment de sa floraison à l’apparition de ses pollinisateurs ?

écaille martre sur une fleur d’eupatoire chanvrine, Le Puech Cantal le 04 août 2022

En ce qui concerne la phénologie acoustique, toutes sortes d’occurrence peuvent être mises en évidence.

Le rouge-gorge par exemple chante au printemps, à l’instar de la plupart des espèces de passereaux chanteurs. Il est stimulé parce qu’il répond à des considérations de reproduction : séduire une femelle, informer ses congénères de l’étendue de son territoire etc.  A l’automne, il n’est pas rare de l’entendre à nouveau. Mais son chant est-il le même ? S’il diffère, en quoi est-il différent ? Et pour quelle raison adapterait-il sa mélodie ?

trio de rouge-gorges « s’expliquant » Le Puech le 29 octobre 2024 à19h10

Pratiquement, nous adopterons une forme d’éphéméride, en forme d’almanach perpétuel ou calendrier phénologique que tout un chacun peut mettre en œuvre là où il habite en notant toutes les apparitions et phénomènes naturels sur un carnet à visée naturaliste.

Pour notre part, nous nous attacherons au fil des jours, des mois et des saisons à relever, consigner dans la mesure du possible tout ce qui relève de phénomènes acoustiques perceptibles aussi bien que d’événements qui n’ont pas de « retentissement sonore », mais qui révèlent un événement particulier indiquant une évolution, un changement infime, dans le cours global de la vie qui nous entoure.  Et, pour comprendre ces variations d’une période à une autre, qui sont autant de rythmes biologiques que de petits riens ténus, il nous semble important de relater les événements saison après saison, qui se déroulent en un lieu précis, toujours le même donc, afin d’identifier leur récurrence et éventuellement leur modification.

Mener une telle quête nous semble essentielle pour au moins une bonne raison : celle de se sentir impliqué dans un tout vivant où nous serions des acteurs responsables c’est-à-dire concernés, car conscients de ce qui se passe autour aussi bien qu’en nous, heure après heure, jour après jour, saison après saison, année après année.

Au fil de nos recherches passionnées, il se pourrait bien que nous finissions par prendre intérêt aux mécanismes qui régissent la nature et en comprendre les subtiles interactions au lieu que nous nous intéressions seulement à l’idée que nous nous en faisons.

Bien plus, il existe entre les particules élémentaires, c’est la physique quantique qui nous le dit, une intime relation définie comme une intrication, qui les rend indissociables qu’elle que soit la distance les éloignant l’une de l’autre.

Ce fait est d’une portée considérable, car nous tenons-là dans l’entremêlement de l’infini petit la substance et l’explication du monde, son liant ce qui fait que le tout ne s’effondre pas dans une masse informe, mais au contraire s’étire « comme les nuages dans le ciel. »

Il serait tentant de commencer au printemps, quand les chants d’oiseaux sont à leur paroxysme. Pourtant la phénologie d’une espèce, au sens large, est plus complexe qu’il n’y paraît, car elle n’est pas le fait, quand bien même serait-elle spectaculaire, d’une action temporelle unique, mais d’une succession d’événements qui forment un ensemble cohérent tout au long de la vie de l’individu, dont la durée et très variable d’une espèce à l’autre quel que soit le groupe auquel elle appartient. 

Au sein même de la classe des oiseaux, on ne peut comparer la phénologie d’un rouge-gorge à celle d’une grue cendrée, ne serait-ce parce que l’un et l’autre n’ont pas du tout la même durée de vie (une dizaine d’année pour le rouge-gorge, plusieurs dizaines pour la grue cendrée). Par conséquent leur métabolisme particulier n’apporte pas les mêmes réponses aux stimuli physiologiques que déclenchent, par exemple, la reproduction et les communications qui vont de pair. Le rouge-gorge sera sexuellement mature dès l’année qui suit sa naissance, la grue cendrée quant à elle fait partie des espèces à cycle lent, c’est-à-dire dans son cas, pouvant se reproduire au bout d’environ 5 ans.

le Puech, 21 janvier 2025.

A choisir une saison, il nous semble pertinent d’initier ce calendrier sonore à une période charnière, de maturité végétale, au temps des moissons et des vendanges, peu ou prou aux alentours de l’équinoxe d’automne, qui correspond faut-il le rappeler au printemps dans l’hémisphère sud. Cela prend de l’importance pour certains oiseaux migrateurs qui se rendent là-bas vers leurs quartiers improprement qualifiés d’hiver !

Nous nous rangerons donc à l’inspiration du poète dont l’art holistique est de décrypter entre les lignes une nature multiple qui échappe le plus souvent à notre attention rationnelle plus décidée à en régler les détails et en définir les particularités qu’à en saisir dans sa globalité les différentes couches et interactions sensibles.

« Elisons le mois de Septembre

Pour son ample coiffure d’ambre,

 Ses couchers dénouant le ciel

 Sur l’horizon couleur de miel. »

ciel d’automne, le Puech Cantal

Mais aussi parce à la fin de l’été, les colchiques (Colchicum autumnale), – toxiques pour l’humain pour qu’« à bon entendeur salut », on les laisse tranquilles, fleurissent dans le pré « vénéneux mais joli en automne » (Apollinaire) ; enfin dans ceux qui n’ont pas été exagérément amendés car, y compris « dans le jardin des chansons », les plantes à bulbes, par-dessus tout, craignent la fumure nitratée.

Fruit de l’amitié entre deux femmes, cette chanson, reléguée à tort au rang de comptine, est au contraire l’archétype du chef d’œuvre populaire : sous des atours de simplicité, elle est l’adéquation parfaite, entre un texte d’une grande probité et d’une musique qui le sert à la perfection. Sa couleur modale émeut les tréfonds d’une mémoire inextinguible. Sa métrique à ¾ emporte la valse de la feuille d’automne que l’on suit jusqu’à la perdre de vue. Ce faisant, il naît au coeur une douce pointe de nostalgie qui s’étire comme les nuages dans le ciel, nous entraînant dans leur voyage ailé.  Son rythme en levée, ses deux croches sur le temps fort, nous rappellent que nos racines sont celles de la terre, que nos ressources sont dans les bois.

Plus que tout, sa ronde monotone appelle le bonheur. Entrons-y en tourbillonnant puisque c’est là notre ultime destin.  

Denis Wagenmann, le Puech le 06 mai 2025

L’arrangement ci-dessous est destinée à toute chorale ; nous demandons juste à leurs chefs de choeur que ses auteurs et son arrangeur soient cités au cas où il leur viendrait l’idée de le mettre à leur répertoire.

Calendrier sonore (à venir)

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