Portraits d’oiseaux

« Tout l’art du preneur d’images consiste à saisir subrepticement une expression ou une attitude particulière. Etre soi-même attrapé par ce qui se passe, et par ce que l’on voit ; se prendre finalement au jeu. Imaginer que l’on se glisse dans la peau d’un oiseau jusqu’à habiter en oiseau comme dirait Vincianne Despret »

« le gobemouche gris » muscicapa striata

« S’il y a bien un oiseau dont le nom vernaculaire lui va comme un gant, c’est bien le gobemouche gris. Bien que d’une relative discrétion, ce passereau se repère grâce à d’incessantes parties de chasse aériennes opérés a partir d’un poste d’observation : branchette le plus souvent, mais aussi fil électrique, ou encore clôture. »

« Le nom latin quant à lui nous renseigne à la fois sur ses appétences pour les mouches (musca) et toute variété d’insectes volants ou non, qu’il capture (capere) généralement en vol avec une aisance confondante, mais aussi sur une particularité de son plumage qui désigne l’espèce.

Du haut de la gorge et sur une partie de la poitrine, jusqu’aux flancs, l’oiseau arbore une robe grise, terne, sans effet donc, si ce n’est les stries (striata) qui la parcourent. »

« Le gobemouche gris n’attire guère l’attention, d’autant qu’il se confond dans le feuillage des futaies qu’il affectionne ; mais une fois détecté, on observe quand il est posé qu’il tient toujours les ailes légèrement écartées de ses flancs. S’il fait face aux rayons du soleil, alors son ventre éclairé le fait apparaître plus blanc qu’il n’est en réalité. »

« Sa principale activité, il la passe à assouvir ses besoins, en quête de nourriture entre les ramures, se déplaçant sans cesse à la manière d’un pouillot, ou à l’affût prêt à virevolter dans la direction de l’insecte localisé. »

Lorsqu’on le voit penché, particulièrement attentif au moindre mouvement d’une proie, on découvre le haut brun foncé de sa tête, strié de mouchetures sombres. »

« Présent un peu partout en France, le gobemouche gris niche principalement dans des cavités d’arbres ou à l’abri de leur feuillage, aussi bien que dans le fouillis d’un lierre et ou d’une autre plante grimpante ».

« Le gobemouche gris ne s’affranchit pas des soins nécessaires à l’entretien de son plumage… »
« … qu’il prend avec beaucoup de sérieux ! »
« Pour ce faire, il va chercher avec son bec à l’endroit stratégique du croupion, la graisse indispensable secrétée par les glandes uropygiennes. Une fois la précieuse matière récoltée, il enduira soigneusement son plumage dans le but de le rendre parfaitement imperméable. »
« Aucune plume ne peut échapper à l’habilité de son bec. Chez lez oiseaux, en effet, le cou doté d’un grand nombre de vertèbres cervicales, une dizaine chez les passereaux, permet à la tête une impressionnante flexibilité. »

« Le lissage terminé, le passereau exprime son évidente satisfaction en s’exclamant : ça, c’est fait ! »

« Puis s’empresse sur-le-champ de surveiller les alentours, car la faim ne saurait attendre. »

« Les gobemouches, qu’ils soient gris, noir ou à collier, sont, en effet, des insectivores stricts, mais ne sauraient résister, quand l’occasion se présente, à l’attrait d’une baie. Migrateurs au long cours, ils ont l’obligation d’emmagasiner suffisamment de graisse pour assurer un voyage qui les mènera, selon leur provenance, dans les aires d’hivernage des forêts d’Afrique de l’Ouest et Centrale jusqu’en Angola, ou plus loin encore, non sans avoir survolé au passage le Sahara via la Méditerranée.

Leurs trajets se font dès le crépuscule jusqu’au jour levé : pour l’essentiel d’aout à la fin septembre, lors de leur migration post-nuptiale, et d’avril à fin mai au retour printanier. C’est ainsi qu’un beau matin, nous pouvons les observer alors qu’ils font étape pour quelques jours. Parfois, ce sont des petits clics de becs qui attirent notre attention, révélant ainsi leur présence au moment d’une prise d’insecte au vol, passant à leur portée.

clic de bec d’un gobemouche gris en vol le Puech Cantal, le 10 09 2024

Il semblerait qu’ils partagent la même phénologie migratoire que le gobe-mouche noir (ficedula hypoleuca) que nous observons parfois en leur compagnie. »

« D’aspect tout autre, le gobemouche noir, un tantinet rondelet, mais tout aussi élégant, affiche fièrement un poitrail immaculé et une gorge blanche. Le manteau et les ailes sombres flanquées d’une plage blanche sont d’un contraste saisissant. Il partage avec son compère gris, le même iris ténébreux et de courtes pattes noires. La brièveté de celles-ci n’inclinant ni l’une ou l’autre espèce à beaucoup se poser au sol. Sur le front foncé, deux taches blanches donnent au gobemouche noir une touche de fantaisie. Contrairement au gobemouche gris, il est plutôt loquace, répétant des « pit » avec insistance. Ayant pour « tic » de soulever les ailes ou d’ agiter la queue, relativement courte, sans raison apparente. En somme, un genre au profil nerveux et au comportement remuant ! »

Ci-contre gobemouche noir mâle, le Puech, Cantal le 01 mai 2024

cris de gobemouche noir le Puech Cantal, le 26 08 2022. En France, les gobe-mouches noirs sont localement nicheurs mais abondent à la fin de l’été lors de la migration post-nuptiale.
« Attends, misérable moucheron, que je t’attrape !« 
gobemouche gris, le Puech, Cantal, le 06 septembre 2024.

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